OÙ SONT LES PHOTOGRAPHIES ÉROTIQUES D’HOMMES* ? 

Ces images existent, elles sont mêmes nombreuses, mais elles restent souvent cachées dans les tiroirs ou les imaginaires, ou bien elles ne sortent pas des réseaux de diffusion référencés comme “homoérotiques”. Car l’érotisme est un champ principalement associé à la féminité. La culture visuelle a en effet appris aux femmes à se mettre en valeur, à se laisser observer et à se dévoiler face caméra. Comme le disait le critique d’art John Berger dans sa série télévisuelle Voir le voir, diffusée par la BBC en 1972, là où « l’homme agit, la femme paraît. Les hommes regardent les femmes, les femmes se regardent être regardées ». Les femmes*, et ce qu’elles désirent, ne sont pas au cœur de la production visuelle. Et quand les hommes apparaissent, les images sont souvent identiques et lisses : les industries cinématographique, publicitaire ou pornographique s’attachent à les montrer en position de force et d’action. Leur corps n’est ni lascif, ni vulnérable – car l’intime n’est pas un terrain de conquête. Les représentations érotiques épousent ainsi bien souvent l’assignation de rôles : femme-objet / homme-sujet. Elles participent à la perpétuation d’un système qui fige les désirs et identités de genre ; qui les soumet à l’ordre du patriarcat et de l’hétérosexualité ; et qui valide ces derniers comme « naturels » et seuls recevables.

LUSTED MEN appelle donc de ses vœux des images d’hommes* érotisés, en les dénichant, en encourageant leur fabrication et en travaillant à leur diffusion. LM se présente en premier lieu comme une collecte de photographies ouverte à tous.tes, professionnel.le.s comme amateur.trice.s, indépendamment de leur genre ou de leur orientation sexuelle. Par ce geste, nous souhaitons constituer une archive visuelle de l’intimité contemporaine – et lui permettre de vivre, de grandir en la rendant accessible à tous.tes.

« Il ne faut pas sous-estimer le besoin que nous avons de représentations – partagées par la majorité ou issues d’une contre culture – qui même sans que nous en soyons clairement conscientes, nous soutiennent, donnent sens, élan, échos et profondeur à nos choix de vie. »

Mona Chollet, Sorcières, 2018

*s’identifiant comme tel.le.s